Burn-out, brown-out, bore-out. Parmi ces affections psychiques, le burn-out (ou syndrome de l’épuisement professionnel) est l’une des plus connues et médiatisées. Mais connaissez-vous ses déclinaisons, bore-out et brown-out ? Et, sauriez-vous les reconnaître et les gérer ?

Surmenage, ennui ou perte de sens : la souffrance au travail trouve son origine dans des cas de figures variés. Ses symptômes, eux, sont aussi nombreux qu’incommodants (maux de dos, troubles de la mémoire et du sommeil, angoisse,…) et engendrent une grande fatigue, autant physique que morale.

Comment diagnostiquer les maux liés au monde de l’entreprise ?  Zoom sur le mal-être au travail et ses manifestations.

— Le burn-out : une définition précise  ? 

La définition et la prise en compte sont encore trop peu discutées au niveau politique. Les médecins n’arrivent pas véritablement à se mettre d’accord sur ce que comprend et ne comprend pas le burn-out. L’académie de Médecine a mis en place un groupe de travail suite à la médiatisation extrême du sujet, au moment de la sortie d’une étude réalisée par le cabinet Technologia en 2014, qui cherchait à la fois à clarifier la symptomatologie du burn-out à travers un tableau clinique précis mais aussi à quantifier le phénomène. Le résultat qui ressort de cette étude clinique et organisationnelle, portant sur la population active française est que plus de 3 millions de personnes sont en situation de risque élevé.

Quelle en est la symptomatologie ? Comment cerner le burn-out ? Comment le reconnaître ?

Les facteurs les plus importants sont relativement bien identifiés :

 la charge de travail, en terme de temps mais aussi d’un point de vue cognitif et émotionnel,

• l’absence de reconnaissance, peu de gratitude de la part de sa hiérarchie, ses collègues,

l’absence de soutien des autres (naissance de conflits, perte de sens, travail bâclé…).

Les éléments déclencheurs peuvent être multiples : harcèlement moral, management contraignant « petit chef » qui met la pression, qui peut se montrer disqualifiant, pouvant aller jusqu’au mépris. D’après une évaluation de l’INRS, l’organisme public de prévention des risques professionnels, chaque année les burn-out seraient à l’origine d’un coût social compris entre deux et trois milliards d’euros. Un chiffre sans doute largement sous-évalué.

— Le burn-out dans notre société moderne

« ASAP », « urgent », « c’était pour hier » … ces petits mots et expressions viennent s’immiscer dans notre quotidien professionnel. Avec le temps, elles s’installent et deviennent une normalité dans notre façon de communiquer. Ce phénomène s’est accéléré avec l’arrivée du digital qui sous entend une exigence de rapidité faisant pression sur les individus. Ecoutons ce qu’ils nous disent en coaching : « trop de pression, trop de sollicitations, ça va trop vite… trop de tout ! »  Etre réactif, oui, c’est bien, c’est une qualité. En revanche, la réactivité permanente voire même la sur-activité sont des comportements pathologiques à repérer dont il est nécessaire de se déprogrammer.

Métro, boulot, dodo. Le lot de beaucoup de travailleurs. Mais pour certains, les trajets qui s’allongent, les heures supplémentaires qui s’empilent et les nuits de plus en plus courtes forment un cocktail mortifère. Parfois conscients qu’ils n’ont pas un mode de vie optimal, beaucoup ne mesurent cependant pas à quel point ils mettent réellement leur vie en danger. Jean-Denis Budin, interviewé par Ouest-France, tire la sonnette d’alarme. Il a publié « Ne vous tuez plus au travail », un ouvrage nourri par les nombreux témoignages recueillis par le chercheur, fondateur du Credir.

Eteindre son portable en rentrant chez soi le soir. Aller se coucher quand le sommeil se fait sentir. Dormir le nombre d’heures dont on a besoin et se réserver du temps pour lire, sortir, flâner ou tout simplement ne rien faire. Des conseils de bons sens. Évident au point que l’on se demande s’il est encore bien utile de les ressasser. Et pourtant. Parmi les 200 témoignages relatés anonymement dans le livre de Jean-Denis Budin, tous avaient oublié jusqu’à ces bases de l’équilibre psychique, émotionnel mais aussi médical. L’épuisement professionnel n’est plus tabou, il inonde les pages des magazines. Mais pour autant, la prise de conscience des principaux concernés n’est pas encore au rendez-vous. Un déni qui peut coûter cher.

Coup de mou, déprime, voire dépression : les conséquences psychiques du burn-out sont mieux connues. Jean-Denis Budin insiste, lui, sur les AVC et les crises cardiaques. C’est l’avancée majeure de cette dernière décennie, il est prouvé que le burn-out expose aux risques cardio-vasculaires, au même niveau que le cholestérol ou l’hérédité. 

—  Le portrait du « burné »

Il n’existe pas de portrait robot du « burné ». On a constaté que les professionnels de la relation, les métiers d’aide, les médecins, les infirmières, les enseignants… ont été les premiers touchés et cela s’est progressivement étendu à d’autres professions. Concernant les populations touchées, on parle de « sur-investissement » , il s’agit d’un attachement conséquent au travail, on évoque des personnalités dites « perfectionnistes », soucieuses de bien faire, on peut même aller jusqu’à parler d’ « obsessionnels ». Les individus avec un antécédent dépressif sont un facteur de risque plus fort.  

— Quel rôle pour l’entreprise ? 

Docteur Patrick Légeron, psychiatre, fondateur du Cabinet Stimulus et co-auteur d’un rapport sur le sujet présenté par l’Académie de médecine en 2016, précise que si nous pouvons parler en pourcentage alors l’entreprise serait responsable à 70% du burn-out du salarié et la variable individuelle s’élèverait à 30%. Il n’y a pas beaucoup de bases médicales au sens scientifique, le burn-out regroupe tant de choses que cela devient confus. « Il n’est pas possible de poser un diagnostic médical en l’état actuel des choses, le contour de cet objet est flou »

Le rôle de l’employeur dans l’accompagnement du salarié est nécessaire, en amont et en aval. La santé au travail est une priorité absolue, il s’agit d’une stratégie d’entreprise tout comme le développement à l’international, non pas pour vivre dans le monde des bisounours, mais pour être rentable. Les études qui ont été menées sur l’absentéisme qui pèse lourd sont liées à ces problématiques.

Prévenir les risques psycho-sociaux est un investissement financier. Le Dr Légeron cite le cas de l’entreprise Nokia qui a constaté un retour sur investissement de 1 sur 3.  Il est du devoir de l’entreprise de repérer les signes avant coureur du burn-out. Il existe un test mis à disposition qui s’appelle le MBI, Maslach Burn Out Inventory. Il explore les trois dimensions du burn-out, il permet de voir l’importance des symptômes et d’évaluer le niveau (faible, intermédiaire, élevé) : 

• épuisement professionnel : physique, émotionnel, psychologique, cognitif,

• la dépersonnalisation / la déshumanisation : plus d’existence de ressenti envers les autres  (se sentir et faire son travail comme un robot),

• sentiment de perte d’accomplissement de soi. 

Si vous percevez ce type de trouble chez vos collaborateurs, il est grand temps de les convoquer et de les sensibiliser à l’importance de maintenir un équilibre entre leur vie professionnelle et privée.

À date, quand un burn-out est diagnostiqué, 3 choses sont proposées : 

• des arrêts de travail importants et renouvelés, des semaines, des mois (qui engendre des difficultés de reprise du travail voire une réorientation dans un environnement différent),

• prescription d’anti-dépresseurs alors qu’il ne s’agit pas d’une dépression , mais « parce que ça marche » comme le précise le Dr Légeron. 

• une psychothérapie de reconstruction émotionnelle parce que « les émotions ont cramé, il faut les reconstruire », « on parle bien de brûlure en anglais », ajoute le Dr Légeron.

— Le bore-out, l’exact inverse du burn-out s’immisce en entreprise 

26 % des salariés se déclarent en bore-out, selon le baromètre du bonheur au travail réalisé par l’Institut Think pour la Fabrique Spinoza. Le bore-out se caractérise par une sous-charge de travail. Cantonné à des tâches rébarbatives et assommantes, désengagé professionnellement, le salarié en bore-out finit par souffrir d’un épuisement moral, voire d’une dépression.

Si vos collaborateurs se sentent désœuvrés, s’ils ne tirent aucun sentiment d’accomplissement de leur travail ou n’y trouvent aucun intérêt : ils sont probablement en bore-out. Convoquez-les pour réfléchir aux façons dont leur poste pourrait être réaménagé.

— Le brown-out, dernière pathologie émergente du monde du travail  

44 % des salariés se sentent en brown-out, selon le baromètre du bonheur au travail réalisé par l’Institut Think pour la Fabrique Spinoza. Le brown-out provient d’une perte de sens et d’utilité apparente d’un salarié pour son métier. Un mal-être né de l’absurdité de certaines tâches du quotidien. Si une personne qualifiée, recrutée pour son diplôme et ses connaissances, est employée à des tâches dénuées de sens, en négation même de ses compétences, elle peut se retrouver en brown-out. C’est le cas de vos collaborateurs si : leurs valeurs ne sont plus en phase avec celles de l’entreprise, s’ils ont perdu leur vigueur ou leur envie de travailler ou encore s’ils n’imaginent pas pouvoir continuer à faire le même travail encore longtemps.

Offrez leur un espace de réflexion, un temps de respiration pour interroger leur façon de penser et de travailler. Un coaching individuel est une bonne première étape. Pensez également à la formation pour continuer à développer vos collaborateurs.

— Comment gérer ces pathologies issues du monde du travail ?

Première étape, lorsque vous remarquez qu’un de vos collaborateurs souffre d’un mal-être professionnel profond : lui conseiller de consulter un médecin du travail ou un spécialiste de la souffrance au travail. 

Puis, il convient de mener une réflexion approfondie sur différents points :

• l’intensité, la complexité et la charge de travail imposées au salarié. Lui en demandez-vous trop, ou pas assez ?

les relations entre collaborateurs : la salarié a-t-il été excessivement éprouvé ?

lexigence personnelle : le salarié a-t-il été fréquemment sollicité sur son temps personnel ou mis sous pression ?

l’insécurité de l’emploi ou du travail : avez-vous donné des raisons au salarié de douter de la pérennité de son emploi ou de redouter des changement négatifs quant à sa situation de travail ?

le processus de recrutement : les managers et RH ont-ils été parfaitement transparents quant au contenu du poste et à la charge de travail ?

— Que dit la loi ? 

À l’heure actuelle, seul le burn-out peut être reconnu par la loi. Mais, cela ne vous empêche pas de faire appel au code du travail pour trouver des échappatoires positives aux affections psychiques du monde de l’entreprise.

  • Face au burn-out : le droit à la déconnexion, entré en vigueur le 1er janvier 2017, vise à « assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale ». Une arme légale contre le burn-out ! Si le burn-out vous guette, que vous souhaitez le faire reconnaitre, téléchargez votre dossier ici. Deux conditions nécessaires : il est établi que la pathologie est essentiellement et directement causée par le travail et, elle a entraîné une incapacité permanente partielle (IPP) égale ou supérieure à 25%.
  • En cas de bore-out : la loi oblige l’employeur à respecter les tâches et qualifications stipulées dans le contrat de travail d’un employé. Oust, la placardisation !
  • Contre le brown-out : la meilleure des stratégies est d’être totalement transparent lors du recrutement. Lorsqu’un salarié est en perte de repères, pensez au droit à la formation.

Et vous, entreprises et salariés ? Quelles solutions avez-vous mises en place pour gérer le burn-out et ses déclinaisons ? Partagez votre expérience.