Le mot « perfection » vient du verbe latin « perficio », dans lequel « ficio » est la forme du verbe « facio », « facere » : faire. Le préfixe « per » traduit l’idée d’une action menée « jusqu’au bout ». « Parfait » signifie donc « ce qui est fait jusqu’au bout, totalement ».
La perfectibilité est la ligne de démarcation entre l’animal et l’homme selon Rousseau. L’animal est, il ne devient pas. L’homme n’est pas, il devient, ses caractéristiques étant le produit de toutes ses acquisitions. L’homme apprend donc. Il peut apprendre à devenir parfait ou imparfait, son environnement et son éducation l’ont sculpté.
L’analyse transactionnelle fait la lumière sur 5 drivers dont le fameux « sois parfait » : « je dois réussir tout ce que j’entreprends et tout doit être fait parfaitement. Même pour les autres. Surtout pour les autres. Je suis coupé(e) de la réussite car, la perfection n’existant pas, je suis toujours dans l’insatisfaction et la frustration. » Son objectif : « l’impeccable, le sans faute, le nickel, le parfait ».
Un individu dit « parfait » est une chance, car il verra à coup sûr toutes les imperfections, les manquements, les petits détails, les choses qui ne sont pas conformes, pas idéales. Il est organisé, méticuleux, travaille bien, il est précis, voire parfois scrupuleux. Il ne laissera pas un travail en cours sans le terminer.
Il est aussi un problème, car son perfectionnisme finira par vous agacer, voire vous exaspérer par son souci du détail. Pour lui, rien n’est jamais fini, vraiment terminé, il faut toujours améliorer. Il peut démotiver ses collaborateurs avec un niveau d’exigence trop élevé ou des critiques répétées sur leur incompétence, leur laisser aller.
Vous vous reconnaissez ?
Cette injonction « sois parfait » vous aide à placer la barre très haute et à rechercher l’excellence, mais vous génère également beaucoup d’angoisse. Il est temps d’entamer un processus de changement pour gagner en sérénité. Pour vous avant tout. Et pour votre entourage aussi, qui doit très certainement en pâtir. Dans la vie professionnelle tout comme dans votre vie personnelle.
Être heureux ne signifie pas que tout est parfait. Cela signifie que vous avez décidé de regarder au-delà des imperfections. Aristote
— L’apprentissage de l’imperfection : un chemin nécessaire qui nous rappelle que nous ne sommes pas des machines.
Je suis certaine que vous avez déjà vécu cette situation en entretien d’embauche. Ce fameux moment ou le DRH vous interroge sur vos qualités et points de vigilance pour le poste que vous convoitez. Et bim, le premier « défaut » qui sort est « je suis perfectionniste ».
Quand je travaillais en entreprise, je recrutais moi-même mes équipes, je ne peux vous dire combien de fois je l’ai entendu. La façon dont ce point de vigilance m’était présenté était, en fait, dans leur bouche, une ode à la perfection.
Longtemps, les psychologues ont tenu le perfectionnisme pour une forme de névrose. En 1980, David Burns, psychiatre américain et professeur à Stanford, a défini les perfectionnistes comme des individus « dont les critères d‘excellence sont largement déraisonnables et systématiquement hors de portée, qui tendent inlassablement et de manière compulsive vers des buts irréalisables, et mesurent exclusivement leur propre valeur à l’aune de leur productivité et de leurs réalisations concrètes. ». Aujourd’hui, les psychologues distinguent le perfectionnisme positif, adaptatif et sain et le perfectionnisme négatif, mal adapté et d’essence névrotique.
« Le mieux est le mortel ennemi du bien » Montesquieu.
Tal Ben- Shahar, professeur de bonheur, a enseigné la psychologie positive à Harvard, cours qui a été le plus suivi dans l’histoire de l’université. Dans son livre « l’apprentissage de l’imperfection », il nomme le perfectionnisme négatif, « le perfectionnisme » et le perfectionnisme positif « l’optimalisme ». Ces deux profils co-habitent dans l’entreprise, il est essentiel de savoir les repérer.
— Qu’est ce qui distingue véritablement ces deux profils ?
Avant toute chose, le niveau de stress ! Le perfectionniste refuse tout ce qui s’écarte de sa vision idéalisée, d’un monde sans défaut ni défaillance. La quantité d’énergie déployée et sa recherche inexorable de « plus » est épuisante et stressante. Une étude menée au sein du centre de recherche en épidémiologie et santé des populations par le docteur Hermann Nabi montre que les participants ayant rapporté, au début de l’étude, que leur santé était “beaucoup ou extrêmement” affectée par le stress avaient plus du double du risque (2,12 plus élevé) d’avoir ou de mourir d’une crise cardiaque comparés à ceux qui n’avaient signalé aucun effet du stress sur leur santé.
Le perfectionniste remplace la réalité qu’il refuse par un univers fantasmatique où il prétend que ni l’échec, ni les émotions douloureuses n’existent. Ce défi de réalité coûte cher car il le conduit à l’angoisse et l’éventualité de l’échec rôde. Son refus des émotions douloureuses entraine inévitablement un refoulement qu’il tente de masquer sous peine de perdre la face. En fermant les yeux sur le monde réel, ils placent la barre trop haute. Comment se sentir à la hauteur dans ce contexte ?
A chaque fois qu’il est en deçà de ses critères irréalistes, il souffre, culpabilise, doit faire face à cet échec sans avoir les ressources pour l’assumer et en tirer le meilleur.
L’optimaliste est plus ancré dans la réalité. L’échec est considéré comme naturel. Il ne l’apprécie pour autant mais il angoisse moins, et peut tout de même jouir des plaisirs de la vie. En acceptant le caractère inévitable des émotions douloureuses, il évite de les exacerber, il les ressent sans les repousser, il en tire des leçons puis passe à autre chose. Son intelligence émotionnelle lui permet d’accepter les limites et contraintes, il se fixe des objectifs à sa portée et peut savourer sa réussite jour après jour.
Sans vivre au pays des Bisounours, l’optimaliste accepte ce que la vie lui offre, tout est opportunité de développement. Une philosophie de vie qui permet un plus grand lâcher prise et une confiance en soi plus grande. L’optimalisme accepte sa condition d’humain faillible.
Pour rester « employable » et compétitif, nous devons apprendre à évoluer sans cesse. Et pour cela, il faut connaitre l’échec et à accepter le changement.
« Le fiasco est essentiel à la réussite – nécessaire mais pas suffisant. En d’autres termes, si l’échec ne garantit pas le succès, son absence est presque à coup sûr une garantie d’insuccès. Apprenez à échouer, sinon vous échouerez à apprendre. » nous enseigne Tal Ben- Shahar.
On sait à présent que le perfectionnisme est un poison, qu’il nous écarte de nous mêmes en nous rendant esclaves de nos exigences démesurées et de notre réalité fantasmée. Alors prenez le temps de vous poser les bonnes questions :
- dans quels domaines de votre vie montrez vous des tendances perfectionnistes ? des tendances optimalistes ?
- en quoi votre échec fera que vous serez moins apprécié et estimé ?
- en quoi être dans une maitrise totale, un contrôle permanent de votre vie évitera l’échec et suscitera l’amour, l’amitié et la reconnaissance de vos proches ?
Expérimentez, échouez, relevez-vous, apprenez, réussissez, encore et encore…
Et rappelez vous :
La perfection n’existe pas ; la comprendre est le triomphe de l’intelligence humaine ; la désirer pour la posséder est la plus dangereuse des folies. Alfred de Musset.
Soyez vous-même, soyez humains, soyez imparfaitement parfaits !